Tout en conduisant rapidement Katia n’arrêtait pas de ressasser
son agression. Ce n’était pas la première fois qu’elle
se trouvait en difficulté face à des hommes. Cela faisait
partie de son style de vie. Mais cette fois elle avait perçu un
réel danger. Sans cet orage elle eut l’impression qu’elle
y aurait laissé sa vie. Dans l’arrière plan de ses
pensées une petite voix lui soufflait que ces voyous avaient été manipulé.
Mais par qui ? Ou par quoi ?
Des nuages noirs commençaient à se former dans le ciel.
Sa mini jupe trempée lui collait aux fesses et elle avait le bout
des seins irrité par son chemisier plaqué sur sa poitrine.
Elle détacha la ceinture de sécurité pour se soulager.
Elle s’en voulut de ne pas avoir relevé le numéro
d’immatriculation du fourgon. Elle ne savait même pas si
ces cons étaient de la région. Elle revit leurs silhouettes
allongées sous la pluie. Qu’est-ce qu’il leur était
arrivé ? La foudre n’avait touché personne et
la haie était à quelques mètres. D’ailleurs
elle-même n’avait rien ressentie. Il n’y avait aucune
raison de tomber dans les pommes.
Katia dépassa rapidement un camion qui se mit à la klaxonner.
Elle lui fit un doigt d’honneur par la vitre ouverte avant de s’apercevoir
que sa mini jupe était totalement relevée. Dans la lutte
elle avait perdu son string. Le chauffeur s’était sûrement
rincé l’œil. Ce qui la fit rigoler. Sur certaines
plages, les hommes qui la voyaient à poils étaient légions.
Mais c’est vrai que sur une plage les choses étaient différentes.
Quand tout le monde était nu cela devenait banal. Alors qu’une
mini jupe relevée, dans une voiture et sur la route…
Sa pensée revint sur l’agression. Pourquoi ces quatre trou
du cul avaient-ils perdu connaissance ? Et puis, ces trucs qu’elle
avait cru voir s’enfuir, comme des formes invisibles. Qu’est-ce
que cela pouvait bien être ? La vision avait été trop
rapide, trop fugace sous cette pluie battante. Il y avait aussi l’homme
au chapeau de cuir. Avait-elle cru l’apercevoir ? Une vision
de son esprit traumatisé par cette attaque. Toutes ces questions
commençaient à la mettre mal à l’aise. Il
fallait vraiment qu’elle songe à quitter la région.
Le plus tôt serait le mieux.
Elle se retrouva sur la place d’Aquitaine où elle se garait
habituellement. La traversée de la ville s’était
faite automatiquement. Quand elle réalisa, elle était stationnée à son
endroit habituel. Pour l’heure il n’y avait qu’une
dizaine de voitures mais dans une demi-heure tous les emplacements seraient
occupés. La place d’Aquitaine entourée par des maisons
anciennes à deux ou trois étages servait également
de marché une fois par semaine. Elle avait la capacité d’une
cinquantaine de véhicules et était desservie par cinq ruelles.
Sur l’un des côtés le rez-de-chaussée des bâtisses était
un passage couvert desservant la rue piétonne où résidait
Katia.
Elle descendit de son véhicule et tira sur sa mini jupe imbibée
qui lui collait à la peau. Par endroit elle en était même
transparente. Elle récupéra son sac, ferma la portière
et se dirigea vers le passage couvert. Il faisait lourd et le ciel s’était
encore assombri. Le passage couvert faisait une vingtaine de mètres
avec trois arcanes dont une centrale pour soutenir les étages
supérieurs. Comme à son habitude Katia s’engagea
sous la voûte tout en continuant à ressasser ses pensées.
C’est en arrivant à quelques mètres de l’arcane
centrale qu’elle se rendit compte qu’une présence
l’observait.
L’homme en noir était appuyé nonchalamment sur la
pierre et semblait plongé dans ses pensées. Immédiatement
Katia s’immobilisa. L’homme prit conscience de sa présence
et se détacha de l’arcane pour lui faire face. Son regard était
froid comme la pierre sur laquelle il s’était appuyé.
— J’ai tout vu ce matin,
lança-t-il d’un ton neutre.
Katia se troubla un instant avant de répondre avec assurance :
— De quoi
parlez-vous ? Du café que j’ai dû jeté ?
Votre façon de faire est particulièrement cavalière !
— Trois billets de vingt euro
sont passés de la caisse vers un sac à main.
Le ton de l’homme était toujours neutre, comme s’il
demandait l’heure à une passante anonyme. Mais le regard
implacable semblait dire : je te tiens !
Le cœur de Katia s’était emballé. Elle regretta
de ne pas avoir remis les billets. Pour une peccadille elle allait peut-être
faire foirer la suite de ses ambitions.
— Vous ne pouvez rien prouver,
essaya-t-elle d’une voix mal assurée.
Elle s’en voulut de cette répartie. C’est comme si
elle venait de reconnaître sa culpabilité.
— Non, mais le simple fait
d’en parler à ton patron amènera la suspicion. Je te tiens
ma petite Katia.
— Vous êtes flic ?
L’homme hocha négativement la tête avec un sourire
machiavélique.
— Détective ? essaya
Katia. C’est la femme de Norbert qui vous paye ?
Il ne répondit pas se contentant de plisser les yeux avec une
expression de délectation.
— Qu’est-ce que vous
voulez ? demanda la jeune femme alors que la pluie se mettait à tomber.
D’abord doucement puis de plus en plus violente. Des tourbillons
de pluie se formèrent au-dessus des véhicules dans un ballet
impressionnant arrêtant toute visibilité au-delà de
cinq mètres. Katia était stupéfaite par ce phénomène
inattendu. Une rafale de vent bouscula l’homme qui parut surpris.
Puis une autre le plaqua sur la façade. Cette fois il semblait
décontenancé.
— Tu ne bouges pas ! lança-t-il
en pointant son doigt vers Katia.
Il recula sans la quitter du regard puis fit volte-face et se mit à courir
vers l’extrémité du passage et disparut dans la rue
piétonne. Tétanisée Katia attendit sans savoir quoi
faire. La pluie cessa brusquement et tout redevint silencieux. Un oiseau
se mit à chanter et puis le bruit des rues voisines lui parvint
de nouveau aux oreilles. La jeune femme s’appuya sur la pierre
de l’arcane pour reprendre son souffle. Tout avait été si
vite. Elle revit l’homme plaqué par le vent alors qu’elle
n’avait ressenti aucun souffle. A part le bruit, cette tornade
ne l’avait pas touchée. Machinalement elle regarda vers
la rue Basse en contrebas de la place. Un homme venait de s’y engouffrer.
Il lui sembla qu’il portait un chapeau à bords plats.