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Labyrinthe
Les autres

L'enfer est à la portée de n'importe qui


 

La chaleur était étouffante. Allongé sur la pelouse de la piscine de Saint-Germain-en-laye Jérôme se laissait dorer aux rayons du soleil de onze heures. Comme à son habitude il s’était mis en retrait sur une butte gazonnée pour mieux observer le vaste solarium. Depuis sa hauteur il avait une vue directe sur le bassin couvert dont toutes les baies vitrées étaient largement ouvertes. Pour l’instant il n’y avait qu’une vingtaine de personnes réparties sur les pelouses. En fond sonore, les cris des enfants d’une garderie venant du bassin couvert. Vers treize heures il irait se restaurer dans la cafétéria donnant sur le bassin puis ce serait bronzage jusqu’en fin d’après-midi. Ensuite il irait sûrement rejoindre Yolande pour finir la soirée. Il avait envie de discuter avec elle de son étrange rêve.
Jérôme avait connu Yolande Kosse grâce à son agence d’intérim. Patronne d’une société informatique elle avait demandé la protection de ses bureaux à cause d’un divorce difficile. Elle craignait que son mari revienne la nuit dans ses locaux pour se livrer à des dégradations. Jérôme avait donc été payé pour empêcher toute tentative d’infraction sur une période de six mois. Ce qui l’avait amené à côtoyer régulièrement Yolande.
Brune quadragénaire, assez mignonne, volubile et n’ayant pas froid aux yeux, elle l’avait très vite fait entré dans sa vie intime. De salarié il était passé amant d’occa­sion ; puis compagnon à temps plein. Jérôme avait laissé faire les choses, dans cette histoire il n’avait rien à perdre ; au contraire. Yolande assumait une partie de son train de vie. Pour l’instant cela ne le gênait pas. Prétextant un besoin d’isolement créatif il avait gardé son studio. Cela lui permettait de vivre dans deux endroits différents. Quand Yolande lui pesait trop il inventait une mission pour retrouver toute sa liberté. Bien évidemment elle ignorait totalement ses autres  opportunités féminines.
—    Vous permettez que je vous tienne compagnie ? interrogea une voix derrière lui.
Jérôme bascula sur le dos et découvrit une femme d’une quarantaine d’années lui souriant. De type scandinave elle dépassait le mètre soixante dix et son deux pièces très sexy mettait en valeur une silhouette agréable. Sa chevelure blonde tirée en arrière par une queue de cheval sur un visage régulier donnait une impression de maîtresse femme.
— Pourquoi pas, répondit Jérôme avec amusement. Cela m’évitera de parler tout seul.
— Je m’appelle Emma, fit-elle en posant son sac de plage. Emma Maudre.
— Enchanté. Moi c’est…
— Jérôme, coupa-t-elle avec un petit sourire. Nous avons une amie commune. Prisca.
— Ah, souffla Jérôme.
Prisca faisait partie de sa clientèle. C’était même elle qui avait été le point de départ de sa carrière d’escort boy. D’un rapide coup d’œil il analysa Emma pendant qu’elle étendait sa serviette de plage à ses côtés ; elle respirait l’aisance. Sac et lunettes de soleil de marque, bagues serties, physique soigné. Apparemment ce genre de femmes ne devaient pas être en manque de soupirants.
— Prisca m’a beaucoup parlé de vous, fit Emma en s’allongeant sur le ventre, il paraît que vous êtes très doué dans le massage.
Jérôme ne répondit pas tout de suite. Entendre dire qu’il était ami avec Prisca l’incommodait. En fait il avait de moins en moins envie de la côtoyer ; même pour de l’argent. Cette grosse bonne femme se montrait de plus en plus perverse et ça l’incommodait. Au début elle s’était contenté de massage et autre sexualité basique. Cela n’avait pas été trop pénible, il lui suffisait de penser à autre chose. Et puis les rencontres avaient évolué vers des pratiques sado-maso qui ne l’amusait pas ; du moins avec elle. L’arrivée de cette Emma lui posait pas mal d’inter­rogations.
— Prisca a sûrement exagéré ma prestation, fit-il en se tournant vers elle.
Il avait insisté « sur prestation ». Envoyée par Prisca cette rencontre devait rester dans un cadre de travail. Que les choses soient posées dès le départ.
— Je connais Prisca depuis quelques temps et j’aurai tendance à faire confiance à son appréciation. Surtout en matière de mâle, fit-elle en plongeant son regard dans le sien.
Le regard d’Emma déstabilisa Jérôme. Il se remit sur le dos et regarda le ciel.
— Mon mari est un homme d’affaires qui a beaucoup de travail et sûrement beaucoup de maîtresses, poursuivit Emma. J’ai donc du temps et de l’argent.
Elle posa sa main sur la poitrine de Jérôme et descendit lentement vers le bassin.
— Combien ? fit-elle en s’arrêtant sur le nombril.
— Cela dépend de la prestation, souffla Jérôme d’une voix rauque.
Le contact de la main d’Emma avait amené une tension sexuelle. Il se remit sur le ventre pour masquer le durcissement de son membre.
— Deux milles euros pour une soirée, lâcha Emma en lui caressant la colonne vertébrale.
Jérôme eut un coup au cœur. C’était la première fois qu’on lui proposait une telle somme. Il attendit que les battements de son cœur se calme avant de répondre en essayant un ton détaché.
— Ça me va. Quand ?
— Ce soir, fit-elle en lui tapotant l’épaule.
Elle retira une enveloppe de son sac et la posa devant ses yeux.
— Il y a mille euros, l’adresse et l’heure.
Elle se leva, replia sa serviette qu’elle rangea dans son sac.
— À ce soir, lança-t-elle en s’éloignant sans le regarder.
Jérôme ne répondit pas. Il regarda la silhouette d’Em­ma traverser la pelouse puis disparaître dans le bassin couvert. Il resta longtemps à observer l’enveloppe posée devant lui puis se décida à l’entrebâiller. Il y avait une carte de visite et des billets de cents euros. Il compterait plus tard. Si Emma n’avait pas été envoyée par Prisca il se serait réjoui. Mais venant de cette femme il était dans l’expectative. Il glissa l’enveloppe dans son sac de plage puis se leva. Il était temps d’aller se restaurer.

 

 

Jérôme avait une vie ordinaire, monsieur tout le monde en quelque sorte. Travailler un peu, lézarder beaucoup et profiter d’une vie dorée que les femmes lui offraient. Et puis un jour l’engrenage se grippa et Jérôme s’aperçut que l’enfer était vraiment à la portée de n’importe qui.