Méandres
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Chapitre 4


 

Armella avait pris le chef de bande en chasse. Contrairement à ses compagnes elle n’essayait pas  de le tuer d’une flèche. Elle avait besoin de beaucoup plus de sensations. Sa monture plus rapide lui permit de le rattraper assez vite. Arrivée à sa hauteur elle lui piqua le jarret de la pointe de son poignard. Grimaçant, l’homme fit un écart et essaya de se dégager dans un mouvement tournant. Dans la manœuvre il s’aperçut que la femme était seule. Personne d’autre n’était à ses trousses. Immédiatement il arrêta son cheval pour faire face.

— Petite putasse ! ricana-t-il en dégainant sa courte épée. Je vais te montrer comment je traite les femelles !

Aussitôt il fonça vers Armella qui le regarda sans broncher. Lame en avant devant une cible aussi facile le brigand se tendit dans un hurlement de joie. D’une maîtrise absolue Armella bascula brusquement sur le côté laissant passer l’épée à quelques centimètres de sa chair puis avec la même promptitude elle s’accrocha à l’épaule de l’homme et se retrouva sur son dos. Désarçonné, il s’écroula dans la poussière en lâchant son arme. Armella qui l’avait suivi dans sa chute effectua un rétablissement avant de lui décocher un fulgurant coup de pied sous le menton.


— J’aimerai voir comment tu vas me traiter, fit-elle en se reculant calmement.

L’homme se mit à quatre pattes, secoua la tête pour récupérer puis se redressa lentement. Une surprise inquiète avait envahi le visage de ce brigand habitué à terroriser des marchands sans défense. Et puis, c’était la première fois qu’une femme lui faisait mordre la poussière. L’espace d’un instant la rumeur sur les guerrières sévissant dans le désert lui traversa l’esprit. Etait-ce ce groupe de femmes ? Sa hargne reprit le dessus et il chercha son épée du coin de l’œil.

—Je te donne une dernière chance, petit crasseux, lança Armella qui avait suivi les interrogations de sa proie. Ne la manque pas ! ajouta-t-elle en désignant l’épée un peu plus loin.

Sans la quitter des yeux il avança de côté pour récupérer son arme sur la terre poussiéreuse. Saisissant la poignée dans une main il caressa de l’autre la lame tranchante qui sembla le rassurer.

— Ne t’inquiète pas ma belle, murmura-t-il en se courbant en avant, je ne la manquerai pas !

Muscles tendus à l’extrême il s’avança dans un lent déhanchement. Pour Armella c’était clair ; cet homme ne savait pas se battre. Ce n’était qu’un amas de muscles sans cervelle. Elle rengaina son poignard.

— Tu renonces ? s’étonna l’homme décontenancé par l’attitude de son adversaire.

Il s’était arrêté et ne comprenait pas où elle voulait en venir.

— Mais non, petit crasseux ! lança-t-elle sur le ton de la plaisanterie tout en se mettant en flexion sur les jambes, viens vers moi que je prenne enfin mon plaisir. Allez chien puant, viens !

La colère balaya l’hésitation du brigand. Le regard injecté de sang il fit un bond en avant lame tendue. Maîtrisant parfaitement l’art du combat noble, Armella évita la lame avant de s’affaisser sous le corps musclé pour le propulser au-dessus d’elle d’une détente énergique de ses jambes. D’un rétablissement rapide elle fut sur lui, accrocha le bras qui tenait encore l’épée puis d’une puissante clef lui brisa l’articulation. Le hurlement de douleur la mit dans un état second. Elle enlaça l’homme avec une clé de cou et se mit à serrer lentement. Étroitement collée sur le brigand elle buvait son agonie. L’articulation brisée il n’était plus en état de se défendre. Tout en serrant comme un boa constrictor elle sentait monter en elle un plaisir jouissif à la limite de l’orgasme. Quand l’intensité fut à son apogée, elle poussa un cri strident en achevant sa proie. Elle eut un dernier spasme de satisfaction, se colla un peu plus sur l’homme pour percevoir la vie qui s’enfuyait puis d’un mouvement de hanche l’écarta sur le côté. Sans réaction le brigand gisait sur le sol comme un pantin désarticulé. Armella s’agenouilla sur la terre jaunâtre. Fermant les yeux elle laissa s’atténuer le délice qui continuait de couler en elle. Ses muscles se détendirent et un sourire inonda son visage. Elle aimait vraiment tuer de cette façon. Sentir la proie se débattre, voir la vie de l’autre s’échapper et surtout, jouir, avoir un orgasme qu’aucun mâle ne pourrait jamais lui donner de cette façon.
Tout doucement elle reprit contact avec son environnement. Elle perçut au loin un martèlement de sabots ; les filles arrivaient. Armella dégagea son poignard de la gaine. Elle tira la tête du brigand en arrière et lui trancha la gorge.  Toujours faire croire à un banal règlement de compte entre bandes rivales. Le galop se rapprochait. Elle essuya la lame sur le tissu crasseux et se redressa au moment où les cavalières stoppaient devant elle.


— Pas mal aujourd’hui ! rayonna Katina en sautant de sa monture. Nous avons eu de la chance. Comment était le tien ?
— Un peu mou à mon gré, plaisanta Armella. Mais j’ai quand même pris mon pied. Ces pillards ne sont pas vraiment à la hauteur. Il nous faudrait d’autres mâles, des guerriers, pas de vulgaires voleurs.
— Je me suis laissée dire que plus au nord, vers les pays glacés il y a de redoutables guerriers.
— Pourquoi pas, mais il nous faudrait partir plusieurs jours.
— J’ai réussi à m’offrir un beau corps à corps, fit Sylvelle en sautant de cheval. Une belle brute !

Armella remarqua qu’elle portait une légère blessure sur l’épaule ; désignant l’entaille :

— Il faudra veiller à camoufler ta plaie. Inutile de te faire remarquer.
— Ne t’inquiète pas, fit Sylvelle. J’ai une soignante discrète.

Armella se mit à passer en revues ses compagnes. Personne d’autres n’avait été touché. Toutes les femmes affichaient sous leur peinture rouge un visage réjoui. Son regard revint sur les femmes avec une interrogation.

— Où es Vima ?

Les filles se regardèrent avec surprise ; Vima n’était pas là.

— Personne ne l’a vue ? interrogea Armella.

Elles eurent toutes une mimique étonnée. Dans l’action personne ne pouvait faire attention aux autres, c’était impossible. Chacune étant totalement concentrée sur son gibier.

— Je n’ai même pas vu de quel côté elle est partie, remarqua Katina.
— Il faut la retrouver, fit Armella, elle est peut-être en danger.

Aussitôt les filles sautèrent sur leurs montures et se déployèrent sur une large ligne pour ratisser le paysage. Au bout de dix minutes quelqu’un cria.

— Un cheval à dix heures.

Les femmes se regroupèrent et convergèrent vers la monture qui semblait attendre. Dix mètres plus loin Vima était allongée face contre terre. Katina sauta de cheval et se précipita vers le corps qu’elle retourna.

— C’est fini, fit-elle en se tournant vers les autres. Un barbare a eu raison d’elle.
— De quoi est-elle morte ? demanda Brana.
— Apparemment une flèche, fit Katina en désignant une plaie dans la poitrine.
— Curieux, fit Brana, il n’y a aucune flèche.
— Il aura du la retirer.
— Il y en a donc encore un dans la nature, coupa Narzelle en regardant autour d’elle. On le prend en chasse ?
— Il faut d’abord ramener le corps dans le blodeur, intervint Armella et inventer une histoire pour expliquer son décès.
— C’est curieux, fit Brana qui était descendue de cheval et regardait à son tour la plaie de Vima. J’ai l’impression qu’elle a été touchée par un trait métallique.
— Ah oui ? s’étonna Katina avec surprise en regardant la plaie de plus près. Ces chiens nous imiteraient-ils ?

Il y eut un silence gêné qu’Armella interrompit d’une voix douce.

— Votre attention je vous prie !

Toutes les femmes se tournèrent vers elle. À part Katina dont l’expression semblait neutre, l’inquiétude avait envahi tous les visages.

— Katina et Sylvelle étaient avec Vima pour une promenade à cheval quand une bande leur est tombée dessus, reprit la comandress sur un ton détaché. Dans la confrontation Vima a été touchée mortellement. Pendant ce temps vous étiez dans vos quartiers respectifs. Trouvez-vous un motif et apprenez le par cœur ! Il en va de nos futures parties de chasse. Au blodeur maintenant !

Sans prononcer une parole elles placèrent Vima en travers de sa monture et remontèrent sur leurs chevaux. La colonne s’éloigna en direction de l’engin en soulevant un nuage de poussières. Tout doucement le silence revint sur la plaine alors que très haut dans le ciel quelques rapaces commençaient à tournoyer.
La nature était vraiment magnifique à cette heure de la journée.